L'Inde fragilisée par son déficit commercial
a forte croissance de l'économie indienne crée des déséquilibres et, notamment, creuse rapidement le déficit du commerce extérieur. Le pays est d'ailleurs le seul parmi les puissances émergentes du groupe des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) à être placé dans cette situation. Entre le 1er avril 2006 et le 31 mars 2007, année fiscale indienne, ce déficit a augmenté de 40,5 %, pour atteindre 57 milliards de dollars (42 milliards d'euros).
Les importations indiennes ont augmenté de 26,5 %, à un rythme encore plus élevé que les exportations, en hausse de 21 %. Le coût de l'achat de pétrole s'est envolé de 30,3 % et le pays importe aujourd'hui les deux tiers de sa consommation. Hors produits pétroliers, les importations de marchandises ont augmenté de près de 25 % pour s'établir à 124 milliards de dollars. "La demande intérieure croît à un tel rythme qu'elle excède les capacités de production industrielle du pays", explique Rajiv Kumar, directeur du conseil indien de recherche sur les relations économiques.
Le gouvernement avait prévu de créer 237 zones franches dans les campagnes pour attirer les industries et d'ajuster les capacités de production à la demande, mais il a été contraint de retarder ce chantier, en raison d'une forte opposition dans le pays, notamment parmi les villageois.
"La croissance industrielle est aussi freinée par le manque de main-d'oeuvre qualifiée", ajoute Nicolas Gravel, chercheur au Centre des sciences humaines de New Delhi. "Environ 42 % de la population indienne est analphabète contre 1 % en Chine, or il faut un minimum de qualification pour travailler dans une usine", ajoute-t-il. Au Bengale-Occidental, dans l'est du pays, les constructeurs automobiles doivent embaucher sur leurs chaînes de montage une main-d'oeuvre immigrée, originaire du pays voisin, le Bangladesh.
MANQUE D'INFRASTRUCTURES
Le manque d'infrastructures favorise aussi les importations, tandis que la hausse de la roupie handicape les exportations. "Les usines indiennes n'ont pas la taille critique de leurs rivales chinoises pour atteindre une production de masse. Elles sont moins compétitives et connaissent aussi moins bien les marchés étrangers", constate Rajiv Kumar. Les exportations de biens représentent 50 % du produit intérieur brut (PIB) chinois. En Inde, elles participent seulement au quart des richesses produites.
"Nous devons commencer à exporter des produits agricoles, en plus des biens manufacturés ou des services informatiques", a affirmé le ministre indien du commerce et de l'industrie, Kamal Nath, le 20 avril. L'agriculture indienne, qui représente 24 % du PIB du pays, n'exporte pas. Faute de moyens de transport, le quart de la production agricole pourrit sur place. Le gouvernement espère mettre fin à cette situation via les zones franches destinées aux industries agroalimentaires tournées vers l'exportation.
Les efforts entrepris s'annoncent pourtant compliqués dans un contexte de forte appréciation de la roupie. La devise indienne vient de descendre au-dessous du seuil symbolique des 41 roupies contre 1 dollar, au grand dam des exportateurs indiens. Les Etats-Unis sont leur premier partenaire commercial.
Mais le gouvernement, engagé dans la lutte contre l'inflation qui atteint aujourd'hui 6 %, refuse de baisser les taux directeurs de la Banque centrale indienne, au risque de faire s'apprécier encore un peu plus la roupie. Afin de réduire les tensions sur les prix, le ministre indien de l'économie et des finances, Palaniappan Chidambaram, a même baissé les taxes d'importation, le 28 février, sur plusieurs catégories de produits de base comme le ciment ou l'huile de palme.
La bataille contre l'inflation risque donc de se faire au détriment de l'équilibre de la balance commerciale. Le 20 avril dernier, G. K. Pillai, secrétaire d'Etat au commerce, a reconnu que le déficit du commerce extérieur pourrait s'alourdir de 10 % dans l'année à venir en raison de la progression des importations.
Julien Bouissou
Source: lemonde.fr, le 9 Mai 2007
mercredi 9 mai 2007
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