HYDROCARBURES - La "guerre des pipelines" décryptée par la presse russe
La question de l'acheminement du pétrole et du gaz de la mer Caspienne vers les pays européens donne lieu à des rivalités économiques et diplomatiques sans fin entre Moscou et l'Occident. Qui risquent d'hypothéquer le prochain sommet Russie-UE à Samara.
"La visite en Asie centrale de Vladimir Poutine peut être considérée comme l'une des plus réussies de sa carrière." Dans un éditorial, le journal d'opposition Nezavissimaïa Gazeta se félicite du succès de la tournée du chef de l'Etat russe, entamée le 10 mai au Kazakhstan et poursuivie au Turkménistan. Et pour cause : "Au grand dam des Etats-Unis et de l'Europe, le président russe a obtenu que le gaz turkmène arrive aux consommateurs européens en passant par le Kazakhstan et la Russie."
En effet, comme le souligne Kommersant, cette visite de Poutine a coïncidé avec le "sommet énergétique antirusse" dit "des cinq" (à savoir la Pologne, l'Ukraine, l'Azerbaïdjan, la Géorgie et le Kazakhstan), à Cracovie, les 11 et 13 mai, où ces pays se sont mis d'accord sur "la construction d'un nouvel oléoduc d'Odessa à Gdansk, qui contournerait la Russie en utilisant les pipelines déjà existants, Odessa-Brodi (Ukraine) et Plotsk-Gdansk (Pologne)". Or, le Kazakhstan n'était pas représenté par son président, Noursoultan Nazerbaev, qui de son côté signait un accord concurrent avec ses homologues russe, Vladimir Poutine, et turkmène, Gourbangouly Berdymoukhamedov.
Pour la NG, "ce succès économique et de politique extérieure de la Russie est la conséquence d'une part de l'autorité renaissante de notre pays et de ses dirigeants dans les pays asiatiques de l'ancienne Union soviétique, et d'autre part d'une certaine désillusion des pays en développement à l'égard des bénéfices liés à leur coopération avec les pays occidentaux".
En revanche, le quotidien économique moscovite RBK Daily ne partage pas ce point de vue. "La tournée de Vladimir Poutine en Asie centrale a montré une fois de plus que Moscou a peu de leviers efficaces pour agir sur ses voisins", note ce journal russe publié en partenariat avec l'allemand Handelsblatt. Ce jugement sévère s'appuie sur le fait que, "malgré toutes les concessions faites à Astana et à Achkhabat, Poutine n'a réussi qu'à retarder la construction du projet de gazoduc transcaspien (TKG)", qui contournera la Russie.
La Russie a renforcé sa position de transit des hydrocarbures d'Asie centrale exportés vers l'Europe alors même que cette dernière souhaite diversifier ses approvisionnements énergétiques pour alléger sa dépendance à l'égard de la Russie. "Le principal objectif suivi par la Russie, c'est-à-dire le renforcement de sa position dans le dialogue énergétique avec les pays de l'Union européenne, est pratiquement atteint", note Ekspert. D'après le magazine, le succès russe est d'autant plus remarquable qu'il "contraste particulièrement avec les acquis misérables de l'autre sommet énergétique qui s'est tenu parallèlement à Cracovie".
Pour Vremia Novostieï, "la réunion d'Achkhabat a eu l'effet d'une gifle pour les participants du sommet énergétique de Cracovie, dont la Pologne voulait faire le point de départ de la fondation d'un 'OTAN énergétique'". D'après le journal russe, le sommet UE-Russie qui doit se tenir les 17 et 18 mai à Samara, en Russie, pourrait en faire les frais.
Philippe Randrianarimanana
Source: courrierinternational.com
mercredi 16 mai 2007
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