L'Europe a du mal à se coordonner sur les infrastructures de recherche
n brise-glace de 200 mètres de long (360 millions d'euros), un réacteur de recherche sur les centrales nucléaires de quatrième génération (500 millions d'euros), une nouvelle source de neutrons (1 050 millions), un radiotélescope s'étendant sur 1 kilomètre carré (1 150 millions), un ensemble de supercalculateurs (400 millions), une base de données sur la santé, le vieillissement et la retraite en Europe (50 millions), un observatoire de la biodiversité (370 millions), un réseau pour la recherche clinique (36 millions) : ces infrastructures de recherche figurent sur une liste de 35 grands équipements dont les experts estiment que l'Europe devrait se doter pour tenir son rang en matière de recherche scientifique.
La "feuille de route" présentée fin 2006 par le Forum stratégique européen sur les infrastructures de recherche (Esfri), émanation des Etats membres et de la Commission européenne, était discutée à Hambourg, du 5 au 7 juin. Inspirée d'un exercice similaire conduit en 2003 par le département américain de l'énergie (DoE), elle n'établit pas de priorités et n'a qu'une valeur consultative. Elle résulte du constat partagé que les Etats n'ont plus les moyens de financer seuls la "big science".
JOUJOUX NATIONAUX
"Le problème principal de la recherche européenne reste la fragmentation et la duplication de nos ressources", souligne le commissaire européen à la recherche, Janez Potocnik. "Ces 35 projets représentent 14 milliards d'euros", rappelle-t-il. Investissement que la Commission ne peut prendre à sa charge : dans les 54 milliards d'euros de son 7e programme-cadre pour la recherche et développement (2007-2013), seuls 1,7 milliard d'euros sont destinés aux infrastructures. Même si une partie des fonds structurels destinés aux nouveaux entrants devrait pouvoir être mise à profit, il faudra que les Etats membres se mobilisent fortement pour que la feuille de route ne reste pas un vain exercice.
"Elle n'est qu'un outil, précise John Wood, qui a présidé à son élaboration à la tête de l'Esfri. Certains projets ne se réaliseront pas, mais 32 projets ont déjà fait l'objet de propositions pour la phase préparatoire." Celle-ci aura pour objet d'affiner les budgets, dont certains "ont été construits à la grande louche", indique Yves Pétroff, représentant de la France au sein de l'Esfri.
La feuille de route porte encore la marque de la prépondérance de la physique dans les grands instruments. Lors de sa préparation, les physiciens avaient constitué dix groupes d'experts, les biologistes et les médecins trois seulement, les sciences humaines deux. Le prochain exercice devrait cependant s'élargir aux questions d'énergie, d'environnement et de capacités de calcul.
"Contrairement aux physiciens, les biologistes préfèrent se combattre les uns les autres plutôt que s'allier dans une infrastructure", note Eckhart Curtius, qui a présidé la biomédecine à l'Esfri. Christian Bréchot, directeur général de l'Inserm, estime cependant que "la communauté scientifique a pris conscience, notamment en recherche clinique, qu'elle devait se coordonner autour de gros centres ayant une masse critique, reliés à une infrastructure distribuée, plus au contact des malades", note-t-il. Reste que lorsqu'un nouveau projet émerge, "les ministères sont souvent vent debout" : accueillir une infrastructure suppose aussi des charges financières supplémentaires pour le pays d'accueil, qui doit assurer la majorité de l'investissement.
La rationalisation des grands instruments se heurte aussi à une forme de patriotisme scientifique. "Chaque Etat veut son joujou, résume Yves Pétroff : il y a cinq lasers à électrons dans les rayons X mous en projet en Europe, alors qu'un seul suffirait", estime-t-il.
Les discussions sont parfois rudes, comme celles qui ont abouti à la participation de la France, à hauteur de 50 millions d'euros "en nature", dans le futur laser à électrons libres XFEL, qui ouvrira à Hambourg en 2013, et dont la première tranche, financée à 75 % par l'Allemagne, coûtera 850 millions d'euros. Berlin se ferait par ailleurs tirer l'oreille pour assurer sa part dans le grand accélérateur du CERN et la remise à niveau du synchrotron européen de Grenoble...
Pour exceller dans cette diplomatie du donnant-donnant, il faut avoir défini les priorités nationales, ce qui n'est pas toujours le cas.
"On n'a pas de vue globale, à la fois scientifique, technique et économique, des infrastructures de recherche, éparpillées dans divers organismes", reconnaît Dany Vandromme, qui, au ministère de la recherche français, coordonne depuis février une feuille de route nationale, laquelle devra être mise en cohérence avec la prochaine feuille de route européenne, prévue en 2008.
Hervé Morin
Source: LE MONDE | 11.06.07 | 12h36 • Mis à jour le 11.06.07 | 12h36
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mercredi 13 juin 2007
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