Un G8 dominé par les tensions avec la Russie
Co-inventeur des sommets des pays les plus industrialisés du monde avec son ami Valéry Giscard d'Estaing, l'ancien chancelier allemand Helmut Schmidt est formel : ces rencontres ont "dégénéré en événements médiatiques" qui ont perdu leur vocation première.
Ce n'est pas le sommet du G8 à Heiligendamm, en Mecklenbourg-Poméranie, dans le nord de l'Allemagne, qui lui donnera tort. Il doit s'ouvrir, mercredi 6 juin, pour trois jours, en présence de plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement - les membres du G8 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon et Russie) et les invités venus d'Etats africains ou des pays émergents.
Pour le premier sommet de Rambouillet, en 1975, ils n'étaient que cinq, le Canada et l'Italie sont arrivés l'année suivante. Chaque chef de délégation n'était accompagné que de deux conseillers, pour des entretiens "au coin de la cheminée". "Il ne serait venu à l'idée de personne de dire à un de ses collaborateurs : sors et raconte à nos journalistes ce que je viens juste de dire d'intelligent", a déclaré M. Schmidt à l'hebdomadaire Die Zeit, dont il est un des éditeurs. A Heiligendamm, chaque délégation compte officiellement vingt-quatre membres mais le nombre de participants atteint le chiffre record de 2 000.
En 1975, l'objectif était précis : limiter les conséquences politiques et économiques de l'explosion des prix du pétrole. Henry Kissinger, secrétaire d'Etat américain, avait proposé que les sommets deviennent annuels. M. Schmidt était contre. C'est M. Kissinger qui a obtenu gain de cause. Au fil des ans, les rencontres se sont étoffées perdant en substance ce qu'elles gagnaient en ampleur. A Londres, en 1991, Mikhaïl Gorbatchev, président d'une Union soviétique finissante, fut invité à la partie politique du G7. Six ans plus tard, le G7 devenait le G8 avec la participation pleine et entière de la Russie.
A l'époque, sa présence n'était pas justifiée par sa richesse économique mais par la volonté des dirigeants occidentaux d'associer l'ancienne grande puissance à la discussion des affaires du monde. A Heiligendamm, Vladimir Poutine, qui a accueilli le précédent sommet du G8 à Saint-Pétersbourg, sera face à des chefs d'Etat et de gouvernement qui s'interrogent sur les intentions de la Russie, tant dans les domaines énergétique que politique et militaire.
C'est une constante de ces grandes rencontres internationales. Les thèmes officiellement à l'ordre du jour - cette année, l'Afrique, la pauvreté, le changement climatique - ont déjà fait l'objet de longues négociations entre les représentants personnels des chefs d'Etat et de gouvernement, les "sherpas". Les vraies discussions au sommet portent sur des sujets imposés par l'actualité. La tension montante entre la Russie, d'une part, les Américains et les Européens - à des titres divers - d'autre part, devrait occuper une grande partie des réunions d'Heiligendamm.
L'Iran, le statut du Kosovo, la situation au Darfour, le projet américain de bouclier antimissile et les propos menaçants qu'il a provoqués de la part de Moscou feront l'objet d'échanges dans les séances plénières et plus encore au cours des entretiens bilatéraux entre chefs d'Etat et de gouvernement. Jeudi en fin d'après-midi, Nicolas Sarkozy aura son premier entretien avec M. Poutine, qui sera un test de la volonté du nouveau président de la République française de donner un ton moins complaisant aux rapports entre Paris et Moscou.
Si les participants au G8 étaient tentés d'oublier les sujets qu'Angela Merkel a choisis pour ce sommet, ils seraient rappelés à leur devoir par les manifestants antimondialisation qui ont déjà témoigné - parfois violemment - de leur colère. C'est d'ailleurs en partie pour tenir compte des préoccupations de diverses ONG que la chancelière allemande a souhaité que cette rencontre d'Heiligendamm s'intéresse aux moyens de lutter contre le réchauffement de la planète ou de maîtriser les fonds spéculatifs (hedge funds).
Sur ces deux points, elle se heurte à l'opposition des Etats-Unis. George Bush a opéré un mouvement tactique à propos du climat pour ne pas se retrouver dans la position d'accusé. Mais il est peu probable que les Allemands, et avec eux l'ensemble des Européens, obtiennent du président américain des engagements sur des objectifs chiffrés pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mme Merkel propose d'essayer de limiter à deux degrés la hausse de la température d'ici à 2050, ce qui suppose une diminution de 50 % des émissions de CO2 sur la base des chiffres de 1990, dans la ligne de ce qu'a déjà décidé l'Union européenne.
Elle aura peut-être plus de succès avec la lutte contre la pauvreté. Elle devrait obtenir un engagement verbal de ses partenaires de faire un effort pour l'Afrique pour laquelle l'Allemagne va montrer l'exemple en dégageant une aide supplémentaire de 750 millions d'euros dès 2008.
Daniel Vernet
Source: LE MONDE | 05.06.07 | 14h26 • Mis à jour le 05.06.07 | 14h26
mardi 5 juin 2007
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