Bouclier antimissile : Vladimir Poutine agite le spectre de la guerre froide
ladimir Poutine a franchi un cran supplémentaire dans la rhétorique agressive envers les Etats-Unis, en menaçant de pointer de nouveau les missiles russes - qui, en principe, ne le sont plus depuis la fin de la guerre froide -, sur des "cibles en Europe" si les Etats-Unis mettent à exécution leur projet d'installer des sites antimissiles en Pologne et en République tchèque. Le président russe a tenu ces propos lors d'un entretien publié lundi 4 juin par huit journaux représentant les pays du G8, dont le sommet se tiendra en Allemagne en fin de semaine.
Les propos de M. Poutine sont cependant ambigus, puisque cette menace repose sur un amalgame entre le bouclier antimissile et les forces nucléaires américaines. "Lorsque le système antimissile sera installé, il fonctionnera en liaison automatique avec le dispositif nucléaire des Etats-Unis, explique-t-il. Pour la première fois dans l'histoire, il y aura donc en Europe des éléments d'un système nucléaire américain. Cela change fondamentalement l'équilibre du système international." Nous devrons trouver une réponse, poursuit-il : "Bien sûr, nous devrons avoir des cibles en Europe. Quels moyens utiliserons-nous ? Des missiles balistiques, des missiles de croisière ou de nouveaux systèmes d'armement, c'est une question technique."
Alors que des généraux russes avaient déjà évoqué la possibilité de frappes contre les futurs sites polonais et tchèque, c'est la première fois que le président russe brandit lui-même cette menace. Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a cependant dissipé toute ambiguïté, dimanche, en expliquant dans une interview diffusée sur la chaîne de télévision Vesti 24 que son pays serait obligé de "supprimer les menaces potentielles résultant de ce déploiement" de missiles.
Le chef de la diplomatie russe a toutefois esquissé une ouverture : "Il vaudrait mieux reprendre le travail dans le cadre du Conseil OTAN-Russie sur la création d'un grand théâtre de défense antimissile", a-t-il indiqué.
Cette escalade verbale russe est liée à la fermeté de la position de l'administration Bush qui, tout en répétant que son bouclier antimissile ne menace en rien la Russie (il est officiellement conçu pour annihiler une menace balistique iranienne), rappelle que les protestations de Moscou ne changeront rien à sa détermination de concrétiser le projet d'installer 10 missiles intercepteurs en Pologne, et un radar en République tchèque.
Une semaine avant le G8, où ce sujet sera abordé, et alors que le président George Bush était attendu lundi soir à Prague pour discuter du bouclier, M. Poutine fait monter les enchères : "Nous savons que cela risque de relancer la course aux armements mais nous n'en serons pas responsables. Ce n'est pas nous qui avons commencé à remettre en cause l'équilibre stratégique."
Le lien établi par M. Poutine entre les forces nucléaires américaines et le bouclier antimissile est contestable, puisque les missiles intercepteurs ne seront armés d'aucune charge nucléaire. Ils utilisent une technique qui détruit le missile adverse par simple énergie cinétique. Mais M. Poutine n'a pas tout à fait tort non plus : le radar installé en République tchèque serait relié aux radars de Fylingdales (Angleterre), Vardo (Norvège) et Thulé (Groënland), qui font partie des systèmes d'alerte avancée des forces stratégiques américaines.
Au-delà des explications techniques, le fait politique est que la condamnation des ambitions des Etats-Unis a repris droit de cité en Russie où il ne se passe pas un jour sans que M. Poutine ne se lance dans une diatribe contre "l'impérialisme".
Marie Jégo (à Moscou) et Laurent Zecchini
Source:LE MONDE | 04.06.07 | 13h59 • Mis à jour le 04.06.07 | 18h58
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