Dans les années 1930, au moment des Jeux olympiques de Berlin, Albert Speer avait tracé les plans d'une capitale allemande à la mesure du délire nazi. A un an des JO de Pékin, son fils travaille à un grand projet de réaménagement de la capitale chinoise. Le parallèle n'a pas échappé au quotidien espgnol El Mundo.
La prochaine capitale olympique, Pékin, veut donner une diffusion universelle à un processus de métamorphose urbaine qui, à en croire ses dirigeants, mettra la ville au même rang que le Brasília d'Oscar Niemeyer et le Paris d'Haussmann. Le problème est que le Pékin du XXIe siècle va apparemment ressembler davantage au Germania qu'Hitler voulait faire de Berlin.
La première chose que les deux projets ont en commun saute aux yeux : ils portent la même signature, celle d'Albert Speer, nom doté de deux propriétaires, le père et le fils, qui ont également la même profession. Le premier s'est rendu célèbre pour avoir été l'architecte favori du Führer et le créateur des décors nazis. Son plan pour Berlin (un axe central d'avenues grandiloquentes, d'arcs de triomphe et d'édifices à la gloire du Reich) n'a pas dépassé l'état de maquette de "nouvelle Rome d'un nouvel empire". Jugé à Nuremberg, Speer a été condamné à vingt ans de prison pour avoir fait travailler des milliers de prisonniers dans l'industrie de la guerre. Il est mort à Londres en 1981, repenti et relativement réinséré.
Le second, Albert Speer fils, est un urbaniste allemand réputé malgré le lourd héritage familial. Il a depuis plusieurs années pignon sur rue à Francfort et à Shanghai, où il a été chargé par les autorités chinoises de faire de Pékin quelque chose de similaire à ce que son père avait imaginé pour Berlin. Sa mission : ouvrir un couloir reliant le village olympique à la nouvelle gare ferroviaire implantée dans le sud de la capitale, soit un axe de plus de 8 kilomètres, qui sera jalonné par les édifices politiques et religieux les plus représentatifs de l'ancienne capitale impériale, la Cité interdite, la place Tian'anmen et le Temple du ciel.
"Son axe pékinois réveille de vieux souvenirs", a commenté l'hebdomadaire allemand Die Welt. "Le fils est-il en train d'imiter le père, ou de le dépasser ?" Certains rappellent également que les projets de ce type, qui requièrent l'expulsion de milliers d'habitants, ne sont possibles que sous des régimes totalitaires. Ce que confirment certains calculs, selon lesquels 1,5 million de Pékinois ont déjà été délogés pour faire de la place au projet olympique.
Les deux Speer n'ont jamais été très proches, même après la sortie de prison du père en 1966. Le fils a toujours dû se battre avec l'ombre de son géniteur, surtout dans son pays. Lorsqu'il a gagné son premier concours, dans le sud de l'Allemagne, et que le jury a annoncé son nom, le public n'en a pas cru ses oreilles : "Speer ? Je croyais qu'il était en prison !" s'était exclamé quelqu'un.
"Les comparaisons sont inévitables", a déclaré Speer fils au New York Times en 2003. D'autant que le père et le fils sont unis par un autre lien olympique : le premier a conçu la Zeppelintribune de Nuremberg, une esplanade utilisée pour les défilés militaires et dont Hitler voulait faire le siège de ses futurs Jeux aryens. "Mes plans n'ont rien à voir avec les siens, répond le fils. J'essaie de transporter dans le futur une ville vieille de deux mille ans. Le Berlin des années 1930 n'était qu'un projet mégalomane."
Source: Aritz Parra pour El Mundo - courrierinternational.com
Urbanisme "nazi" à Pékin
vendredi 17 août 2007
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