samedi 4 août 2007

Le système bancaire mondial est affecté par la crise de l'immobilier américain

Par un effet domino, la crise du marché immobilier américain semble aujourd'hui menacer la stabilité du système bancaire mondial. En Allemagne, les graves difficultés de la banque IKB, liées à ses investissements aux Etats-Unis, ont provoqué un mouvement de panique à Berlin, au point d'obliger le ministre des finances, Peer Steinbrück, à interrompre ses vacances. Selon le quotidien Handelsblatt du 2 août, Joschen Sanio à la tête du régulateur boursier allemand, la BaFin, estime que son pays est "menacé de la plus grave crise financière depuis 1931".

Pour juguler la crise, le gouvernement allemand et la Bafin auraient même fait appel à des banques privées, dont la Deutsche Bank et la Commerzbank, pour participer au sauvetage d'IKB, épaulées par l'établissement public KfW. Mais IKB n'est pas la seule victime. Depuis plusieurs semaines, les difficultés des établissements exposés au marché immobilier américain font monter l'angoisse des investisseurs. La défiance de ces derniers se reflète sur les places boursières.

Les cours des banques américaines Morgan Stanley, JP Morgan ou Bear Stearns ont ainsi vu leurs cours respectifs décrocher de 13 %, 19 % et 24 %, depuis le début du mois de juin. L'Europe n'est pas épargnée. En deux mois, les actions de BNP Paribas, Société générale, Natixis ou Deutsche Bank ont perdu entre 15 % et 20 % de leur valeur. "Le marché surréagit, c'est certain", assure-t-on à la Société générale. De fait, l'origine de la crise est spécifique. Elle réside dans les difficultés des "subprime mortgage", ces crédits octroyés aux ménages américains les plus modestes.

LOURDES PERTES

Utilisant comme garantie la valeur de la maison achetée, la chute des prix a rendu nombre de ménages insolvables. Les fonds spéculatifs, souvent filiales de grands établissements bancaires, qui avaient racheté la dette émise sur le marché ont ainsi engrangé de lourdes pertes. Deux fonds gérés par Bear Stearns sont au bord de la faillite et deux autres détenus par l'australien Macquarie sont en grave difficulté.

La globalisation et l'opacité du marché du "subprime" américain renforce la nervosité ambiante. "Quelle que soit leur origine géographique, les banques y sont exposées dans une proportion méconnue jusqu'à ce que les difficultés soient avérées", s'alarme un analyste.

A l'occasion de la publication de leurs résultats semestriels, les grandes banques tentent donc d'apaiser les esprits. La BNP assure n'être exposée que "de façon marginale" au "subprime", tout comme la Société générale.

Mais il en faudrait plus pour soulager le marché. "L'exposition des banques européennes est limitée, mais les foyers de pertes sont multiples", indique Alain Dupuis responsable du secteur bancaire chez Oddo. Car c'est aujourd'hui tout le marché du crédit qui se trouve déstabilisé. Les investisseurs se montrent plus méfiants et exigent des primes de risque plus élevées - c'est-à-dire une rémunération plus importante - pour acheter des emprunts. Du coup, les émetteurs renoncent pour le moment à lever des fonds, ce qui constitue un manque à gagner important pour les banques en termes de commissions. "Depuis 1987, c'est l'une des quatre crises les plus importantes", indique un courtier.

Les investisseurs se souviennent aussi que les banques sont chargées du financement d'opérations d'envergure menées par les fonds d'investissements, comme le rachat des hôtels Hilton pour 20 milliards de dollars (14,7 milliards d'euros) par Blackstone, qui ne sont pas encore bouclées. La détérioration du marché du crédit fragilise ce mécanisme.

Les opérations des fonds avec fort recours à l'endettement (les "LBO"), devraient sérieusement se réduire, et avec elles, les commissions des banques qui ont compté pour 20 % de ce type de revenus en 2006, selon Dealogic. "Les effets sur les profits des établissements se verront dans les prochains mois", présume Charles Deptford, gérant chez Baring AM.

La période bénie, pour les banques d'affaires, des gigantesques opérations de fusions et d'acquisitions d'entreprises, pourrait ainsi prendre fin. Les analystes restent toutefois optimistes et ne croient pas à la répétition d'un scénario catastrophe, comme celui de la faillite, en 1998, du fonds LTCM qui avait obligé la Réserve fédérale à agir dans l'urgence. "Les établissements sont plus résistants qu'à l'époque de LTCM et gèrent mieux les risques", juge notamment Roger Lister, responsable des notations des banques américaines chez DBRS.
Claire Gatinois

Source: http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-941293@51-893669,0.html

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