Entretien avec Noël Amenc, professeur à l'Edhec
La responsabilité des fonds spéculatifs ("hedge funds") dans la crise financière actuelle a été vigoureusement dénoncée par la chancelière allemande et présidente du G7, Angela Merkel. Quelle est leur responsabilité réelle ?
Les fonds spéculatifs ne sont pas à l'origine des excès du marché américain du crédit hypothécaire à risque ("subprime mortgage"). Si l'on doit chercher des responsables à cette crise il faut examiner les pratiques de l'ensemble de l'industrie financière.
Dans un contexte de taux d'intérêt faible, les investisseurs ont cherché des placements rentables sur le marché du crédit. Bien que moins volatils que des actions, ces titres présentaient des risques potentiellement très importants.
Ce n'est pas donc tant ces fonds qui sont à mettre en cause ici, que la mauvaise anticipation des risques des titres qui étaient adossés au "subprime".
Ceux qui investissent dans les "hedge funds", des produits financiers présentés à tort ou à raison comme spéculatifs, sont conscients de prendre des risques. Il était en revanche incohérent de proposer comme placements monétaires, supposés peu risqués en terme de perte en capital ou d'illiquidité, des produits qui peuvent être soumis à des aléas importants comme les "subprimes".
Où se situe alors, selon vous, l'origine de cette crise ?
La crise financière que nous connaissons est essentiellement une crise de confiance dans l'information sur les risques des établissements de crédit. Ceux-ci sont pourtant soumis à un dispositif réglementaire sophistiqué en terme de prévention.
Cette perte de confiance conduit à un dysfonctionnement du marché interbancaire international et menace le fondement même de la création monétaire. Elle oblige les banques centrales, notamment la Banque centrale européenne (BCE) à jouer les prêteurs de dernier ressort.
Le risque est alors de provoquer à terme, par un excès de liquidités, une nouvelle bulle spéculative comme ce fut le cas en 2000 après les interventions de la réserve fédérale américaine (Fed) pour résoudre la crise provoquée par la faillite du fonds LTCM (Long term capital management).
Ici aussi, la condamnation des "hedge funds" est l'arbre qui cache la forêt de l'inadaptation du système de prévention des risques et de la politique monétaire face à la financiarisation de nos économies.
Pourtant, en empruntant massivement, les fonds spéculatifs n'ont-ils pas amplifié les effets de la crise ?
Depuis cinq ans, il y a effectivement eu des excès. Emprunter ne coûtait pas cher car la prime de risque exigée était faible. Cette situation d'"argent facile" a favorisé les opérations à fort effet de levier liées à l'endettement et a ainsi permis d'obtenir des rentabilités financières très attractives. Ces fonds en ont bénéficié mais ils ne sont pas les seuls.
Après une première tentative lors du dernier G8, à l'initiative de l'Allemagne, les ministres du G7 pourraient de nouveau réfléchir au moyen d'imposer un encadrement plus strict aux "hedge funds" ou un code de bonne conduite. Qu'en pensez-vous ?
Il serait naïf de croire que le G7 ou le G8 pourraient imposer des règles de transparence ou de gestion des risques aux fonds spéculatifs. Cela relève du fantasme jacobin et de la gesticulation médiatique dont sont coutumiers nos dirigeants.
La plupart de ces fonds sont domiciliés dans des "paradis réglementaires" et sauf à interdire la libre circulation des capitaux qui est l'un des fondements de notre système financier international, on voit mal comment les obliger à se conformer à des règles qui ne s'appliqueraient pas dans ces paradis ou qui seraient facilement contournables.
Il y a toujours un danger à prétendre protéger des investisseurs par des interdits quand les autorités de contrôle n'ont pas les moyens de faire appliquer ou de vérifier l'effectivité de la réglementation.
Cela conduit les investisseurs à se reposer sur une réglementation inefficace et à ne plus faire leur travail de vérification de la qualité et des risques des produits qui leur sont proposés.
Propos recueillis par Claire Gatinois
Source: lemonde.fr
"Les fonds spéculatifs ne sont pas à l'origine des excès du marché"
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire