mardi 25 septembre 2007

La droite japonaise choisit l'austère Yasuo Fukuda pour diriger le gouvernement

On ne pouvait trouver personnalités plus dissemblables que Taro Aso et Yasuo Fukuda, les deux prétendants à la succession du premier ministre sortant, Shinzo Abe. Au gouailleur Aso, ancien ministre des affaires étrangères, volontiers provocateur, M. Fukuda oppose la pondération et la suavité. C'est cet homme austère, issu de la droite modérée que le collège électoral du Parti libéral-démocrate (PLD), réunissant 384 parlementaires et 529 représentants locaux, a porté, dimanche 23 septembre à la présidence d'une formation qui domine la vie politique depuis plus d'un demi-siècle. M. Fukuda deviendra premier ministre après un vote à la Diète, mardi, dont l'issue ne fait guère de doute étant donné la majorité qu'y détient le PLD.



Homme du sérail, fils de l'ancien premier ministre Takeo Fukuda (1976-1978), il n'est pas un dirigeant médiatique : "Je ne pense pas que j'exercerai le pouvoir avec le même genre d'autorité", a-t-il répondu à une question sur son flamboyant prédécesseur, Junichiro Koizumi (2001-2006). Pour avoir été quatre ans secrétaire du cabinet et porte-parole dans l'éphémère cabinet Mori (2000) puis dans les premiers gouvernements Koizumi, M. Fukuda connaît les limites de l'exercice. La déconfiture, aux élections sénatoriales de juillet, et la piètre sortie du "Poster boy" Abe n'incitent guère les libéraux-démocrates à rejouer la carte du leader charismatique.

En dépit de trente ans de carrière politique, M. Fukuda n'a jamais détenu de portefeuille important. Mais, "homme de l'ombre" tirant les ficelles au secrétariat du gouvernement - et de fait son numéro deux -, il a étendu son influence au-delà de ses fonctions, démontrant son habileté à désamorcer les crises.

QUALITÉS PRÉCIEUSES

Complet sombre et lunettes rectangulaires, austère - "ringard", selon son rival Taro Aso -, M. Fukuda ne fait pas rêver, et ne cherche pas à jouer les chefs supposés tenir toutes les manettes. Mais cet homme de la "vieille école" a deux qualités précieuses dans la crise de confiance actuelle : son habileté à négocier et sa capacité à rassurer. Le futur premier ministre devra notamment faire preuve de son sens de la concertation avec une opposition désormais majoritaire au Sénat, où sa principale formation, le Parti démocrate du Japon (PDJ), est devenue le premier parti. Il aura pour adversaire un homme de sa génération, le pugnace Ichiro Ozawa, un ancien du PLD et qui fut l'étoile montante du camp de Kakuei Tanaka, adversaire de son père dans la course à l'investiture pour le poste de premier ministre au début des années 1970. Première manche de ce combat : la prolongation du mandat de la marine nippone dans l'océan Indien - où elle ravitaille les forces alliées engagées en Afghanistan -, à laquelle s'oppose le PDJ.

M. Fukuda apparaît rassurant à une opinion inquiète d'inégalités sociales croissantes. "Il est erroné de penser que tout va bien si on confie le pouvoir aux économistes", a-t-il déclaré, mettant en garde contre une "forme excessive de rationalisme économique" qui, pour nombre de commentateurs, est à l'origine des maux actuels.

En tant que secrétaire du cabinet, il a enfin acquis une expérience dans son domaine de prédilection : la diplomatie. "Colombe", il est partisan de relations apaisées avec la Chine et la Corée. Les visites intempestives de M. Koizumi au sanctuaire Yasukuni - où sont honorés, parmi les morts pour la patrie, des criminels de guerre -, qui ont envenimé les relations avec Pékin, ont été l'une des raisons pour lesquelles il a quitté le gouvernement en 2004. Il a déjà annoncé qu'il ne se rendrait pas au sanctuaire.

Philippe Pons
Article paru dans l'édition du 25.09.07.

Source: lemonde.fr
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