Le créateur américain défrayait la chronique, il y a vingt-cinq ans, avec le lancement de sa ligne Underwear. Retour sur une révolution culturelle.
Tout le long de l’autoroute entre l’aéroport JFK et Manhattan, l’acteur franco-béninois Djimon Hounsou exhibe ses tablettes de chocolat sur des publicités géantes pour la nouvelle ligne Steel de Calvin Klein Underwear. Au panneau d’affichage suivant, une autre marque avec un mannequin à moitié nu lui vole la vedette, et ainsi de suite kilomètre après kilomètre… En 1982, le créateur Calvin Klein avait choqué l’Amérique avec ce même genre de campagnes publicitaires, lors du lancement de sa ligne de sous-vêtements.
L’utilisation par les marques de mode d’images d’hommes dénudés et bodybuildés est entrée dans les moeurs, pourtants certains États américains légifèrent actuellement sur la tenue des adolescents (lire ci-contre)... Calvin Klein n’est pas directement visé, mais il est tout de même à l’origine de ce look qui a amplifié ses ventes de caleçons dans les années 1990. Aujourd’hui, les propriétaires de sa maison continuent d’encaisser de colossales royalties de la part de Warnaco, qui détient cette licence Underwear étendue à toute la famille et réalise un chiffre d’affaires annuel de 750 millions de dollars rien qu’avec elle.
Révolutionnaires, les sous-vêtements Calvin Klein l’ont été à plus d’un titre. « Au début des années 1980, ce lancement a radicalement changé la manière dont les hommes percevaient leurs dessous, explique Robert Mazzoli, le directeur créatif de la ligne. Jusqu’alors, ils n’accordaient pas le moindre intérêt à ce qu’ils considéraient comme un produit de consommation basique. Calvin sera le premier designer à le retravailler, en lui donnant une allure, un imaginaire, de l’émotion, du désir… » Une coupe plus ajustée, un jersey de coton serré et des finitions soignées renouvellent le bon vieux slip kangourou. Mais la réelle innovation est moins dans le sous-vêtement en lui-même que dans la publicité qui l’accompagne.
Des poses de dieu grec
En 1982, la campagne de Calvin Klein porte un regard inédit sur l’homme, son corps, sa beauté. « Un Adonis bronzé, quelque peu alangui contre un rocher blanc sur fond de ciel bleu, vêtu en tout et pour tout d’un slip, semblait s’abîmer dans la contemplation de son propre corps, mais il se révéla correspondre à bon nombre de rêves », écrit John de Greef, dans le livre Sous-vêtements aux Editions Bookking, à propos de cette fracture dans l’histoire de la mode masculine et de la communication. À travers ces images shootées en Grèce avec le mannequin Tom Hintnaus, Calvin Klein érotise le corps de l’homme, le transforme en objet de désir avec des poses de dieu grec. L’Amérique pudibonde s’indigne une nouvelle fois des coups publicitaires de ce designer qui, en 1978, est déjà parvenu à vendre un jean à quelque 200 000 exemplaires en une semaine grâce à une campagne sulfureuse avec Brooke Shields. Cela n’empêche pas, au contraire, les ventes des slips blancs griffés de décoller très rapidement.
Des campagnes publicitaires sensuelles
« La campagne de publicité draina la nation américaine vers les rayons des grands magasins, poursuit John de Greef. Les femmes [qui achètent les sous-vêtements de leur mari] projetèrent l’image de cet Adonis de Klein sur celle de leur époux chéri en décrétant que la ressemblance commençait par l’achat d’un slip identique. Quant aux hommes, ils pensèrent que leur succès potentiel résidait dans leurs dessous et considérèrent cette première enveloppe d’un oeil neuf.»
La ligne sera rapidement lancée à l’international, suivie de son pendant féminin deux ans plus tard. En parallèle, le designer multiplie les campagnes sensuelles avec le photographe Bruce Weber pendant plus de dix ans, puis Herb Ritts, David Sims, Peter Lindbergh, Mario Testino, Steven Klein, Terry Richardson… Bref, des pointures devant l’objectif desquelles défilent des mannequins dont la plastique, le sourire, les muscles et les courbes feront fantasmer les foules.
En 1992, la sauvageonne Kate Moss et le beau Mark Wahlberg ne font qu’un dans la nouvelle campagne signée Herb Ritts. Sur certaines images, ils portent des jeans desquels dépasse la ceinture de leur slip imprimée en toutes les lettres du nom de Calvin Klein. Les jeunes générations s’identifient à ce couple, imitent leur dégaine et se ruent plus que jamais dans les magasins en quête d’«un Calvin Klein », terme quasiment passé dans le langage courant pour designer un sous-vêtement blanc.
« Au cours des vingt-cinq dernières années, le marketing et la publicité autour de nos sous-vêtements ont permis de développer une image très sexy de la marque Calvin Klein en général », reconnaît son président, Tom Murry. Pour l’anniversaire de la ligne Underwear et le lancement des modèles Steel (au logo encore plus gros que par le passé), les anciens mannequins dont les abdos et pectoraux ont fait vendre des slips à gogo ont été conviés à New York, la semaine dernière.
La marque en a profité pour présenter son nouvel ambassadeur, l’acteur Djimon Hounsou, sans s’embarrasser de sa filmographie ni de ses prochains tournages. Il est d’abord The Body, comme on dit chez Calvin Klein, où l’on continue à préférer les images chocs aux longs discours.
Source: Le Figaro Madame
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