vendredi 16 novembre 2007
New York rafle la mise sur l’art contemporain
«Diamond (Blue)», de Jeff Koons, vendu pour plus de 8 millions d’euros (Christie’s).
Après les déceptions des ventes impressionnistes et modernes, les acheteurs, souvent américains, montrent clairement leur enthousiasme pour les stars d’aujourd’hui.
Est-ce le vent du boulet, le pressentiment que le marché de l’art ne peut continuer à surfer impunément sur de telles sommes et va tomber de haut au premier ressac financier, comme un joueur qui mise trop gros ? Ou est-ce la confirmation que l’art contemporain révolutionne la société et attire désormais tous les publics du monde à son théâtre ?
Il y avait foule comme jamais à New York pour cette semaine de ventes contemporaines qui a effacé sous une avalanche de records (16 chez Christie’s mardi soir, 17 chez Sotheby’s le lendemain) les réserves de la semaine dernière (nos éditions du 9 novembre). En trois soirées chauffées à blanc, l’art contemporain, qui était un marginal à petits prix il y a seulement dix ans, a imposé ses valeurs toujours plus à la hausse et ses favoris disputés à coups de millions de dollars, comme les stars hollywoodiennes d’un casting international.
Faites vos jeux, la banque ne saute pas cette semaine ! Forte de son tabac impressionniste et moderne tout neuf (349,9 M$), Christie’s a ouvert le feu avec la collection Allan Stone, lundi soir (52,42 M$, 90 % de lots vendus et 94 % en valeur). Un premier round d’un optimisme bluffant qui a été marqué par les records pour le peintre acidulé de San Francisco, Wayne Thiebaud (4,5 M$), pour le broyeur de belles mécaniques, John Chamberlain (2,84 M$), et pour le Russe de New York, le peintre mélancolique John Graham (1,6 M$), trois artistes aux couleurs de l’Amérique. La preuve, si l’on en cherchait encore, que l’argent est toujours là, comme l’océan Atlantique qui sépare nos deux cultures si différentes face à l’avenir. L’argent est ici le moteur de l’action, prêt à investir l’art coûte que coûte, quitte à couronner parfois des artistes jugés secondaires en Europe.
Seize nouveaux records
Mardi soir, la maison de François Pinault enfonçait le clou avec son Evening Sale pourtant lourde de garanties, ce poison galopant des ventes aux enchères qui pose la question des bénéfices réels à l’heure des bilans (325 M$ avec 93 % des lots vendus et 94 % en valeur). Un succès spectaculaire aux multiples facettes travaillées comme le diamant bleu en acier laqué de Jeff Koons posé devant l’entrée de Rockefeller Plaza, vendu par l’éditeur de Cologne, Benedict Taschen, et acheté au prix record de 11,8 M$ par Larry Gagosian, marchand de Jeff Koons et roi sibyllin de Manhattan. Parmi les seize nouveaux records établis ce soir-là sous le marteau dynamique de Christopher Burge, il y avait des légendes comme Lucian Freud (19,3 M$) ou Richard Prince, le cow-boy du détournement plastique intronisé au Guggenheim (6,089 M$ pour sa Piney Woods Nurse), mais aussi quantité de nouvelles gloires comme le Chinois de Tiananmen Square, Zhang Xiaogang (3,96 M$), ou la Californienne Liza Lou qui réinvente le rêve américain (337 000 $ son Autoportrait en paillettes).
Mercredi soir, Sotheby’s l’Américaine oubliait tous les mauvais jours et la facture sévère des invendus impressionnistes et modernes de la semaine passée, en réalisant sa plus haute vente aux enchères de sa longue histoire : 315,9 M$, avec 91,6 % de lots vendus et 98,2 % en valeur.
Ironie du sort ? Ce triomphe alimenté par le meilleur du maître Francis Bacon (45,96 M$ sa corrida magistrale et 33,08 M$ son autoportrait si charnel et poignant) doit beaucoup aussi au cœur magenta de Jeff Koons. Qui eût cru pareil triomphe pour l’énorme faveur en acier laqué comme celle accrochée à l’entrée du Palazzo Grassi par le grand rival François Pinault pour inaugurer sa collection à Venise, en 2006 ? C’est encore Larry Gagosian qui a emporté à 23,56 M$ cette vision pop et surdimensionnée du quotidien américain le plus kitsch.
Le monde des enchères
Alléchés à l’idée d’une crise, nombre de titres peu portés sur l’art et sa cote avaient dépêché leurs correspondants politiques à ces événements new-yorkais que sont les grandes ventes contemporaines. Berlinois, Anglais, certains découvraient le monde des enchères, jeu d’apparences codé comme les échecs, et devaient céder les premières loges aux hordes de TV venus filmer le phénomène comme la montée des marches au Festival de Cannes. Les amateurs de people avaient leur butin : l’acteur Hugh Grant reparti avec un maigre sourire après avoir vendu pour 23,5 M$ chez Christie’s sa Liz de Warhol sur fond turquoise, achetée seulement 3,5 M$ en 2001 ; Larry Gagosian suçant sa Chupa Chups rouge avant d’enchérir en milliardaire ; le couturier Marc Jacobs, statue mode avec ses cheveux courts bleu nuit, qui répondait par sa présence aux attaques du New York Times qui titrait «Loving an hating Marc Jacobs» («Aimer un Marc Jacobs détestable») en une de son cahier styles hier. L’art, quel cinéma !
Par Valérie Duponchelle, le 16/11/2007
Source: lefigaro.fr
New York rafle la mise sur l’art contemporain
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