vendredi 9 novembre 2007

Le marché de l'art s'inquiète du scandale Salander-O'Reilly

Est-ce le "Enron du monde de l'art ?", s'interroge l'hebdomadaire The New York Observer au sujet du scandale Salander-O'Reilly. Cette affaire a débuté le 16 octobre quand le juge Lowe, Justice de son prénom, de la Cour suprême de l'Etat de New York, a ordonné la fermeture à titre conservatoire d'une galerie de l'Upper East Side de Manhattan. Le jour même où des invités de marque se pressaient devant les locaux pour assister au vernissage d'une exposition de prestige consacrée aux maîtres anciens, avec le Caravage en vedette.

Dirigée par Lawrence Salander, la galerie Salander-O'Reilly est une institution. Couvrant l'art de toutes les périodes, jusqu'à l'époque contemporaine, elle a été distinguée par un guide du luxe mondial, le Robb Report, comme la meilleure au monde en 2003.

Lawrence Salander est membre des principales associations de marchands américains et figure régulièrement dans le classement annuel du magazine ArtReview parmi les 100 personnalités les plus influentes du monde de l'art. Parmi ses clients, l'acteur Robert De Niro, qui l'a chargé de diffuser les tableaux que peignait son père, De Niro Sr., ou encore l'ancien joueur de tennis John McEnroe.

Ce dernier compte parmi les plaignants qui ont conduit le juge Justice Lowe à rendre sa décision. John McEnroe avait, selon le New York Times, confié 162 500 dollars au marchand pour qu'il achète des oeuvres puis les revende avec un profit escompté à 325 000 dollars. Somme qu'il n'aurait jamais reçue, même si l'avocat de la galerie affirme que McEnroe aurait toutefois touché 200 000 dollars.

Les plaignants, au nombre d'une douzaine pour l'instant, sont, pour la plupart, moins des collectionneurs que des investisseurs, comme Roy Lennox, qui dirige un hedge fund, ou Renaissance Art Investors, un fonds spécialisé dans l'achat et la revente de tableaux anciens.

"CRÉDITEURS AVARES"

Mais il y a aussi une galerie de Rome, qui lui aurait vendu des tableaux restés impayés, et le fils de l'artiste Stuart Davis, qui lui avait confié la gestion de l'oeuvre de son père.

Lawrence Salander, cité par le New York Times, estime que ce procès lui est intenté par "des amis, ou des gens que je prenais pour des amis, qui ont toujours été payés pour les peintures que j'ai vendues pour eux. J'ai toujours payé mes factures, depuis quarante ans dans ce métier, et je vais continuer à le faire".

Pour un de ses avocats, le problème vient des "créditeurs avares qui essaient de tirer avantage des soucis de liquidités de la galerie". Car elle en a : la Bank of America la poursuit pour une dette de 2 millions de dollars, et l'American Express reproche à M. Salander un débit de 700 000 dollars sur sa carte de crédit.

Le plus surprenant dans cette affaire, c'est que les ennuis de Lawrence Salander étaient connus depuis plusieurs mois. Rarement citée par ses confrères new-yorkais, la revue spécialisée Maine Antique Digest avait fait état, à travers plusieurs longues enquêtes, des soucis juridiques de Lawrence Salander dès cet été. Dans un nouvel article, elle évoque désormais des pratiques de cavalerie, l'argent des nouveaux investisseurs servant à payer les dettes dues aux anciens. Pour le New York Observer, "les conséquences sur le marché de l'art peuvent être importantes. Le scepticisme à propos de la fiabilité des marchands peut détourner les investisseurs vers les maisons de vente aux enchères, au détriment du système des galeries".

Harry Bellet
Article paru dans l'édition du 02.11.07

Source: lemonde.fr
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