mardi 13 novembre 2007

Alerte rouge sur les enchères a Manhattan





Les garanties offertes par les maisons de vente ont incité les collectionneurs à vendre leurs oeuvres. Si Christie’s tire son épingle du jeu, Sotheby’s paie les frais de ses estimations délirantes.

« Enfin, il était temps que le marché se réveille et corrige de lui-même ses excès !» Ce cri lancé par plusieurs courtiers et marchands, mercredi soir, à l’issue du résultat décevant de la vente impressionniste et moderne de Sotheby’s (269,7 M$, bien en dessous de l’estimation basse de 355,6 M$, avec 20 invendus sur 76), remet sérieusement les pendules à l’heure. Après le beau temps, voici la pluie et le froid sur Manhattan où le climat change comme le caméléon de couleur.

« Nous avons eu des bons moments, mais aussi des moments plus rudes, résumait, laconiquement, David Norman, en charge du département chez Sotheby’s à New York, mais cela ne veut pas dire que le marché faiblit. » La chute du Dow Jones, annoncé le matin, ne semble pas avoir déstabilisé la planète art qui a, certes, perdu une partie de ses collectionneurs venus de la finance mais en a retrouvé d’autres, venant des quatre coins du globe, aussi riches et aussi soucieux d’accrocher sur leurs murs des icônes à la hauteur de leur fortune. Jadis ce monde était réservé à une petite élite de collectionneurs.

Contrairement à la veille chez Christie’s, où la joie semblait l’emporter sous l’oeil radieux de François Pinault, discret, dans un box, à l’étage (349,9 M$ de produit vendu, au-dessus de l’estimation basse de 348,6 M$ mais en dessous de la fourchette haute de 487,4 M$, seulement 17 invendus sur 91 lots), l’humeur était plutôt en berne chez Sotheby’s. Dans la grande salle qui n’avait pas fait le plein, l’auctioneer, Tobias Meyer, un peu sec au marteau, n’a pas réussi à électriser la vente. Les invendus sont tombés comme les petits pains pour les Champs de blé peint le 10 juillet 1890 par Van Gogh, ravalé à 25 M$, loin de l’évaluation beaucoup trop forte de 28-35 M$ pour une toile un peu fade et, surtout, longtemps vue à la galerie Acquavella.

Mais aussi pour le Picasso, La Lampe, grande toile de 1931 pas vraiment séduisante au vu de son estimation de 25-35 M$. Pour L’Enfant assise en robe bleue de Renoir qui s’arrêta à 7,7 M$, L’écho de Georges Braque stoppé net à 13 M$ ou le Miro, Les jasmins embaument de leur parfum doré la robe de la jeune fille, en panne d’enchères à 4,7 M$. Ou encore pour le Bonnard et sa Jeune fille jouant avec un chien, sujet en multiples versions estimé plus du double de son juste prix, à 3-4 M$.

Un retour au sérieux

Preuve de la bonne santé du marché ? Les acheteurs ont tout simplement tiré la sonnette d’alarme. Las de la spéculation galopante des garanties offertes par les maisons de vente poussées par une compétition effrénée (plus de 25 lots pour Sotheby’s !), les obligeant ainsi à promettre monts et merveilles aux vendeurs en affichant des estimations délirantes. Premier à en payer les frais, le Gauguin, Te Poipoi (Le Matin), vedette du catalogue de Sotheby’s adjugé 39,24 M$, en dessous des 40-60 M$ promis à la famille de Joan Whitney Payson. Le plus haut prix, toutefois, pour cette saison impressionniste et moderne.

« Il n’est pas difficile de prévoir ce qui va être vendu avec succès ou non », souligne en observateur avisé, le marchand Daniel Malingue. Ainsi la belle série de gouaches sur papier d’Egon Schiele, provenant de la collection de Christian M. Nebehay en ouverture de la vente de Sotheby’s, suscita l’excitation avec L’Autoportrait avec chemise à carreaux emporté par le courtier Frank Giraud pour un collectionneur européen à 11,35 M$, le double de son estimation de 4,5-6,5 M$. Le même Frank Giraud enleva, pour un privé américain, contre quatre autres enchérisseurs, la Tête de femmes (Dora Maar ) en bronze par Picasso. C’est un record pour une sculpture de l’artiste.

Si les professionnels espéraient tous un retour au sérieux, personne ne s’attendait à ce que le marché opère si vite un réajustement. Surtout après les très bons résultats, la veille, chez Christie’s qui enregistra plusieurs records - 33,6 M$ pour L’Odalisque, Harmonie bleue de Matisse de 1937 (nos éditions du 8 novembre) - et nombre de très beaux prix - 30 M$ pour le Picasso tardif de 1955, Femme assise dans un costume turc (Jacqueline), mis en vente par la Nahmad Gallery qui réalise une belle plus-value pour cette toile vendue 2,5 M$, en 1995, chez Sotheby’s. Voilà une volte-face du marché qui s’avère salutaire à une semaine des ventes contemporaines où Christie’s et Sotheby’s se disputent la surenchère avec leurs oeuvres monumentales de Jeff Koons. Pour l’une, un diamant bleu (12 M$). Pour l’autre, un coeur rose (15-20 M$), identique à celui de la collection de François Pinault, qui risque d’enflammer les coeurs.
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Source: Béatrice de Rochebouët, lefigaro.fr
Alerte rouge sur les enchères à Manhattan

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