jeudi 11 septembre 2008

Sans les nababs, les Chinois s’ennuieraient !

“Il est glorieux de s’enrichir”, avait dit Deng Xiaoping pour encourager ses concitoyens à prendre leur envol. De plus en plus nombreux, les très riches Chinois sont enviés, mais n’attirent guère la sympathie du peuple.

Xin Zhoukan (extraits)
Canton

"L'argent parle mandarin" : cette expression chère aux investisseurs occidentaux fait référence à l’afflux actuel de capitaux en Chine. Ceux-ci ont favorisé à leur tour l’émergence de nouvelles grosses fortunes chinoises, et l’on a assisté à une explosion de la richesse dans le pays en 2007. Qu’ils figurent dans le rapport Hurun [qui publie, depuis 1999, la liste des Chinois les plus riches] ou au classement de Forbes, les nouveaux riches chinois de 2007 font parler d’eux comme jamais auparavant.
Un élément vient cependant ternir la gloire de ces grosses fortunes : il s’agit de la “haine des riches” qui se répand dans les mentalités. L’expression a émergé de nulle part et a déferlé sur tous les cyberforums – des plus petits aux plus grands –, sur les blogs, dans la presse écrite, ainsi que dans les conversations de trottoir. Toute la société semble focalisée sur les riches, et ils ont tout le monde à dos, à commencer par les fonctionnaires des impôts, les kidnappeurs et les journalistes de la presse à scandale.
On trouve les attitudes les plus diverses parmi les élus du palmarès des cent plus grosses fortunes, rapporte Rupert Hoogewerf, à ­l’origine du rapport Hurun. Certains auraient payé pour figurer dans la liste, tandis que d’autres ont eu des sueurs froides en voyant leur nom dans le classement. On se souvient de Mou ­Qizhong, le premier milliardaire originaire de Chine populaire [condamné à la prison à vie pour escroquerie en mai 2000], de la riche actrice Liu Xiaoqing, sans oublier tous ces milliardaires impliqués dans des affaires ou assassinés…

La bourse est devenue le premier pourvoyeur de richesses

Les premiers ultrariches de Chine ne voulaient pas porter cette étiquette, ils ne voulaient pas mettre en péril leurs biens et choisissaient de faire profil bas. Ils craignaient d’entendre soudain résonner le cri du fou du film La Cité des hibiscus [Xie Jin, 1986] : “En avant pour la lutte !” [évoquant le début d’un mouvement politique dont les “bourgeois” étaient la cible].
Lors du banquet en l’honneur de l’introduction en Bourse du groupe de haute technologie Fuxing, Guo Guangchang, son directeur, a chanté à s’en casser la voix Les Vrais Héros [une ode aux gens ordinaires] et il a promis de se consacrer à des activités caritatives lorsqu’il aurait 50 ans.
Les riches cherchent en effet à trouver le moyen de disperser leurs richesses. Il existe en gros trois moyens : les dons ou les opérations de parrainage ; la distribution de parts de société ; enfin, la succession. En réalité, le premier procédé est le moins répandu et, de plus, il dépend de l’intégrité morale des individus. Ainsi, le magnat de l’immobilier Yang ­Guoqiang, tout en venant en aide à des écoles et en faisant œuvre de philanthropie, a cédé son capital boursier à sa fille Yang Huiyan, ce qui a inévitablement fait naître des soupçons sur son intention de vouloir échapper au fisc.
L’économie de marché a permis à la population de disposer de plus d’argent, et les citoyens peuvent détenir des parts de société. Les sociétés Beida Fangzheng et Tsinghua Unisplendour ont affirmé vouloir créer cent milliardaires ou mille millionnaires, et c’est désormais la règle de posséder des actions dans des secteurs économiques émergents comme l’informatique et les télécommunications.
De nos jours, la Bourse est le plus grand pourvoyeur de richesses. Qu’est-ce qui pèche le plus dans notre système et empêche la diffusion des richesses au sein de la société ?
D’après des chiffres d’origine étrangère, la Chine compterait 250 000 millionnaires (en dollars américains) : elle arriverait ainsi à la sixième place mondiale et à la deuxième en Asie. Ces grandes familles fortunées représentent seulement 0,4 % de la population chinoise, mais détiennent 70 % des richesses du pays. La liste du rapport Hurun donne les noms de 50 000 personnes possédant une fortune s’élevant à plusieurs dizaines de millions de dollars et de 200 riches possédant plus d’une centaine de millions de dollars. Trente ans après le lancement de la politique de réforme et d’ouverture, la Chine ne manque pas, de toute évidence, de gens fortunés. Une enquête effectuée l’an dernier par le journal Nanfang Zhoumo montrait pourtant que les riches n’éprouvaient pas un sentiment de sécurité ; la moitié d’entre eux avouaient ne pas savoir ce que la vie leur réservait…

Les grosses fortunes ont le sentiment d’avoir commis un péché

On dit que “celui qui fait fortune se couvre de gloire, tandis que celui qui sombre dans la misère est un nul”! Pourtant, les premiers enrichis ont été sévèrement stigmatisés. Une enquête récente du Zhongguo Qingnian Bao (“Journal de la jeunesse chinoise”) montre que plus de 60 % des personnes interrogées estiment que les grosses fortunes chinoises sont des gens “peu ou assez peu honorables”. Moins de 4 % des sondés estiment que ce sont des gens “bien” ou “assez bien”. Les millionnaires chinois sont très mal vus quand il s’agit de juger leur sens de la responsabilité sociale, leur caractère charitable ou la légitimité de leur fortune. Les grosses fortunes chinoises ont le sentiment d’avoir commis un péché : aussi, dès qu’elles ont de ­l’argent, elles font en sorte de prendre une nationalité étrangère ; même en donnant beaucoup ­d’argent à des œuvres caritatives, ces gens ne parviennent pas à se faire pardonner. C’est un cercle vicieux qui empêche la diffusion des richesses parmi les Chinois.
Il faut pourtant reconnaître, en toute justice, que depuis trente ans les nababs chinois ont permis à cette société ingrate de devenir beaucoup plus brillante, intéressante et en phase avec son temps. En Occident, on dit : "Si l’on retirait des cages d’un zoo tous les animaux qui créent des ennuis, il n’y aurait plus aucune animation dans ces cages." De même, si toutes les grosses fortunes quittaient la Chine, notre propre ménagerie risquerait de devenir un lieu très ennuyeux.

(Xin Zhoukan, Canton)
Xiao Feng
Xin Bao
Source: courrierinternational.com

Mon opinion: C'est bizarre, ca me fait vaguement penser a un pays que je connais... j'y ai meme grandi d'ailleur...

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