samedi 20 octobre 2007

La Fiac de retour sur les sentiers de la gloire




À la fois plus jeune et plus mature, cette 34e édition de la Foire internationale d'art contemporain, à Paris, éclipse Frieze la londonienne et se met dans le sillage de Bâle, la référence absolue du marché.


UNE FOIS n'est pas coutume, c'est le retour du beau temps malgré la grève et son chaos. Que d'éloges, quasi unanimes, dans les allées plus aérées de cette 34e Fiac, qui entend défendre les couleurs de la france jusqu'à lundi au Grand Palais, à la cour Carrée du Louvre et dans le jardin des Tuileries (nos éditions du 15 octobre) ! Les 179 exposants venus de 23 pays, soit seulement 42 % de galeries françaises, affichent une franche bonne humeur. Est-ce de l'autopersuasion pour se convaincre que Paris existe enfin, comme jadis, sur la planète art ? Ou est-ce vraiment une réalité tangible, comme en témoignent les affaires soutenues et rapides, comme en témoigne la multitude d'événements artistiques et mondains qui font vibrer la capitale cette semaine, comme en témoignent les 41 achats du Fnac (Fond national d'art contemporain) bien à l'étroit dans son budget de 400 000 eur ? Quand le marchand Hans Mayer de Düsseldorf apporte et vend un Tinguely de légende, couvé des yeux par Suzanne Pagé, qui court toutes les foires et les vernissages pour la collection de la Fondation Louis Vuitton, Paris se prend pour Bâle.


À l'heure où le Français Mathieu Mercier inaugure sa rétrospective au Musée d'art moderne de la Ville de Paris, où l'artiste suisse Ugo Rondinone enchante les esprits en jouant les commissaires au Palais de Tokyo et où la magie Giacometti opère à Beaubourg, la Fiac 2007 profite du bouillonnement créatif.


Une palette variée, ouverte, de qualité


En quelques années, l'image de cette foire, qu'on a connue confuse et ronronnante à la porte de Versailles, a bien changé. En un an seulement, sous l'impact tenace du duo Jennifer Flay et Martin Béthenod, elle a su prendre possession du Grand Palais malgré l'architecture écrasante de ce navire de verre et le casse-tête des règles de sécurité. Elle a su aussi prendre une ligne plus claire, quitte à trancher dans le vif et à écarter certains bons exposants (40 nouveaux venus cette année dont 36 étrangers), et imposer une palette variée, ouverte, de qualité, qui correspond à la définition de la culture française. Elle semble bien partie pour retrouver sa place dans la compétition des foires, ces musées éphémères du marché qui se disputent les faveurs des acheteurs hyperactifs, informés et bien conseillés.


« Qualité, diversité et force, le faisceau de convergence est très positif pour Paris, laissant derrière elle la Frieze Art Fair et sa course au superficiel », analyse avec un recul paisible le Suisse Marc-Olivier Wahler, gratifié d'éloges pour son exposition A Third Mind. Signe d'un renouveau ? Nombre de grands collectionneurs étrangers, comme Martin Margulies, le roi de l'immobilier à Miami, dont les Européens visitent l'entrepôt muséal chaque année en décembre pendant Art Basel Miami, se sont abstenus d'aller à Londres pour se ruer sur la Fiac, mais aussi Courbet et le design au Grand Palais. Signe avant-coureur d'une mode qui pâlit ? La grande majorité des collectionneurs français qui se ruaient hier à Frieze, les yeux brillants, se lassent un peu de la frénésie spéculative de l'art dans la City et soupirent d'aise devant une foire qui leur ressemble, plus contemporaine, beaucoup moins moderne malgré les tenors Krugier, les Fleiss et Guillermo de Osma.


« La Fiac est plus à l'échelle de la France ! » répond Donald Rubbell, autre grand collectionneur de Miami attendu comme le Messie, qui a intercalé sa visite entre l'exposition de la Collection Pinault à Lille lundi et les galeries de Berlin hier. « Une très bonne ambiance, une foire de qualité mais encore beaucoup d'oeuvres secondaires », juge ce limier, qui achète en masse l'avant-garde - l'allemande de l'Est puis la polonaise - comme un Saatchi américain.


Collectionneurs californiens


Même si la Fiac 2007 a perdu Barbara Gladstone, reine de Manhattan, et Sadie Coles, la prêtresse du Swinging London, la venue de grands noms a dopé tout le monde. Impact visuel de Paula Cooper avec son très beau stand où trônait un Rudolf Stingel de 2007 comme un papier peint doré. Force de frappe du marché avec David Zwirner, l'Allemand de Manhattan venu avec les splendides stèles de John McCracken et un cabinet de dessins contemporains allant de Marcel Dzama à Raymond Pettibon et Robert Crumb.


Cette Fiac offre, du fait de cette ouverture internationale, des stands de qualité plus qu'enviable. « Les étrangers ne sont pas venus cette fois avec leurs fonds de tiroir pour un petit marché bien français », résume une globe-trotteuse de l'art qui a réussi à faire venir tout un cortège de collectionneurs californiens. Démonstration ? Le public des habitués est resté bluffé devant la confrontation Joan Mitchell-Louise Bourgeois chez Cheim & Read. Devant la table ovni de l'architecte Zaha Hadid chez Ulrich Fiedler, (prototype à 140 000 eur d'une future édition de douze). Devant les Basquiat de Van de Weghe, nom influent de New York (autoportrait au crâne sur fond bleu, peint l'année de sa mort, qui a électrisé Marc et Éric, 39 et 36 ans, cofondateurs d'une start-up informatique).

Les piliers de la Fiac ne sont pas en reste avec quelques accrochages inventifs, forts et inédits. Le Parisien Marwan Hoss avec ses George Segal, émouvantes pièces uniques jamais exposées (350 000 eur Homeless tout seul au fond du stand). La pimpante Nathalie Seroussi avec son show Big is Wonderful. (150 000 eur son Martial Raysse bleu de 1958). Le ténébreux Karsten Greve et sa mâchoire géante en aluminium de Louise Bourgeois (The Mirror, 1998, édition 2/6). Grâce à eux tous, la France a retrouvé ses couleurs.

VALÉRIE DUPONCHELLE ET BÉATRICE DE ROCHEBOUËT

Source: lemonde.fr

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